Une grosse « bulle » de gaz sous terre pour préparer l’hiver

SAINT-ILLIERS-LA-VILLE : L’équivalent de 600 000 piscines olympiques de gaz naturel souterraines : Sur un site à l’ouest de Paris, d’importantes réserves se remplissent pour aider la France à traverser un hiver un peu plus long, même en cas d’assèchement. des livraisons russes.

A Saint-Illiers-la-Ville (Yvelines), à 70 kilomètres de la capitale, l’un des 14 sites de l’entreprise Storengy assure une mission peu spectaculaire mais cruciale : garder du gaz naturel en réserve pour approvisionner l’Ile-de-France et Normandie pendant l’hiver.

En surface, peu d’activité visible et rien qui trahisse vraiment le caractère sensible du site qui n’emploie qu’une quarantaine de personnes dans un coin de campagne.

L’essentiel est invisible : une énorme « bulle » de gaz préservée dans un aquifère, une couche de sous-sol perméable imbibée d’eau, située entre 330 et 460 mètres, sur une portée de 2 à 3 kilomètres.

« A Saint-Illiers, on est sur 1,5 milliard de mètres cubes, ce qui équivaut à 600.000 piscines olympiques », détaille Jérôme Courteille, le directeur du site. La moitié de ce volume est vraiment utile, une partie du gaz doit rester en permanence pour assurer la pérennité de la structure.

Le gaz arrive par les canalisations puis il est distribué dans les puits pour être envoyé sous terre, si nécessaire à l’aide d’un compresseur. En hiver, pendant la durée de conservation, il fait l’inverse après avoir été débarrassé de son eau résiduelle et réodorisé par sécurité.

« Cet été, nous étions sous pression pour respecter nos horaires afin que nos installations soient prêtes », avoue Jérôme Courteille.

Ce site qui date de 1965 s’ajoute aux autres détenus par Storengy (filiale d’Engie, principal fournisseur de gaz du pays) autour de la France, ainsi qu’à ceux de Teréga, concentrés dans le sud-ouest.

Au total, 130 térawattheures de gaz sont stockés en France. Soit « 25 % de la consommation annuelle française », souligne Pierre Chambon, directeur général de Storengy France.

Ces réserves sont détenues pour le compte des fournisseurs de gaz (Engie, TotalEnergies, EDF, Eni…) et ne constituent en aucun cas des « réserves stratégiques », comme c’est le cas pour le pétrole. Leur fonction était aussi avant tout commerciale : elles permettaient d’acheter du gaz bon marché l’été pour le revendre l’hiver.

Mais c’est leur rôle dans la sécurité d’approvisionnement du pays qui les met sur le devant de la scène. « Si jamais il y a un hiver très froid ou un problème géopolitique – on en a un bon exemple en ce moment – on a encore une partie du gaz qui est chez nous », résume Pierre Chambon.

Une utilité soulignée par les autorités depuis l’invasion de l’Ukraine et le tarissement des flux gaziers russes. La France vise un remplissage « proche de 100 % » d’ici début novembre.

Objectif désormais proche : la France, qui a diversifié ses approvisionnements et est un gros importateur de gaz naturel liquéfié (GNL), a dépassé les 91 %. Le pays, bon élève en Europe, affichait déjà quasiment complet ces dernières années. L’Union européenne représente aujourd’hui près de 80 %.

Une nouvelle réduction des livraisons du géant russe Gazprom ne change pas la donne pour l’instant. Pierre Chambon constate « des injections qui restent tout à fait conformes à nos prévisions et permettront de pouvoir arriver au début de l’hiver avec un taux de remplissage optimal ».

Le stockage fournit plus de 50 % du gaz en France les jours de grand froid, mais il ne fera pas de miracles. Leur remplissage ne signifie pas que la France aura « assez de gaz pour passer l’hiver si les Russes le coupent et si nous en consommons beaucoup », a prévenu le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

« Le stockage n’est pas tout », reconnaît volontiers Pierre Chambon. « L’une des incertitudes qu’il faut lever désormais est le rythme de soutirage des stockages pendant l’hiver, qui dépendra à la fois des températures et de l’approvisionnement » depuis la France via les gazoducs GNL et -gaz.

« On est relativement calme avec un hiver normal. En cas d’hiver froid, les choses peuvent être plus compliquées, d’où l’importance de pouvoir jouer aussi sur la consommation et la sobriété », juge-t-il.