L’électricité en hausse : les voitures électriques passent à côté d’un de leurs atouts
Tesla a envoyé hier un e-mail à tous ses clients pour les avertir d’une augmentation du prix de la recharge de ses Superchargeurs. Cette annonce officielle est une première à ma connaissance, car les prix ont augmenté plusieurs fois ces dernières années et le fabricant a fait preuve d’une plus grande opacité jusque-là. Mais il faut dire que le prix qui est désormais de 0,67 € le kWh est un seuil symbolique : la conduite électrique est désormais généralement plus chère que la conduite thermique sur les longs trajets.
La donne a bien changé depuis l’année dernière où j’écrivais ma série sur mon expérience avec la Model 3 de Tesla. Dans la partie consacrée à la recharge, j’ai relevé un prix moyen d’environ 40 centimes le kWh dans les stations Tesla, ce qui donnait à notre voiture environ 6,6 € pour 100 km. En parallèle, j’ai estimé les coûts thermiques à environ 11 €/100 km, en me basant sur une consommation assez généreuse de 6,5 l/100 km et un prix de 1,7 €/l.
Près d’un an plus tard, cette simulation basée sur un voyage réel entre Quimper et Toulouse donne des résultats très différents. Le prix de l’électricité est maintenant d’environ 10,3 € pour 100 km et avec les aides de l’État, l’essence est encore moins chère, environ 1,5 €/l près de chez moi. Cela donne un prix aux 100 km un peu moins de 10 €, sans tenir compte des tarifs des stations sur les aires de desserte des autoroutes.
Cela ne change rien au constat que la conduite électrique coûte désormais plus cher sur les longs trajets. N’oubliez pas que ma voiture est une berline très économe et économe sur autoroute, ce qui n’est pas le cas de tous les modèles, avec un prix au kilomètre qui peut exploser. Tesla n’est pas le seul à augmenter ses prix, c’est un mouvement général et ses concurrents ont encore augmenté leurs prix. C’est le cas par exemple d’Allego qui prévoit d’augmenter le prix de ses bornes haut débit à partir du 7 octobre à 0,98 € le kWh !
Cette hausse du prix des bornes de recharge rapide est liée à celle de l’électricité, qui atteint des niveaux record depuis plusieurs mois et ne devrait pas s’améliorer cet hiver. Si les particuliers peuvent être protégés, comme c’est notamment le cas en France, les entreprises doivent payer les prix du marché et les exploitants de terminaux les répercuter sur le prix de l’électricité vendue à leurs clients. Ceci est d’autant plus important que ce secteur est encore loin d’être rentable, plusieurs acteurs émergent à peine et doivent investir des sommes importantes pour créer leurs réseaux de terminaux.
A noter au passage qu’Ionity n’a pas annoncé d’augmentation à ce jour. Il faut dire qu’avec un prix public de 0,79 € le kWh, c’était déjà l’un des acteurs les plus chers du marché, mais une hausse n’est pas exclue. Fastned, un concurrent qui vient de s’implanter en France, a augmenté ses prix dans toute l’Europe (0,83 € du kWh), sauf dans notre pays pour l’instant (on reste à l’ancien prix, 0 0,59 € du kWh), mais nous peut également imaginer qu’il viendra assez bientôt.
La voiture électrique perd ainsi un avantage historique sur le moteur thermique. L’époque de la suralimentation gratuite et illimitée chez Tesla est révolue depuis longtemps et il ne faut pas compter sur son retour. On espère que les prix reviendront aux anciens tarifs lorsque les prix de l’électricité chuteront, mais cela prendra quand même un certain temps. C’est une mauvaise nouvelle à l’heure où l’on fait la promotion de la mobilité électrique, même s’il ne faut pas perdre de vue qu’un des avantages des véhicules électriques est la recharge à domicile.
Si vous disposez d’une prise accessible chez vous, vous ne payez pas plus que le tarif standard de l’électricité, qui est actuellement d’environ 0,17 € par kWh en France. Donc pour un usage courant, notre coût pour 100 km est d’environ 3,5 €, ce qui est assez large, ce qui reste bien inférieur au thermique. Avec le double avantage de pouvoir recharger à domicile tous les jours et de profiter de tarifs encore plus bas en passant aux tarifs heures creuses. Mais même dans ce cas, les tarifs devraient augmenter l’année prochaine et la question des pénuries d’électricité qui pourraient survenir cet hiver demeure.
Qu’est-ce qui va ralentir les ventes de voitures électriques dans les mois à venir ? Les carnets de commandes de tous les constructeurs étant encore bien remplis, nous ne devrions pas constater d’impact à court terme. De plus, tout dépend probablement du prix futur de l’électricité et des éventuelles coupures cet hiver qui pourraient marquer les esprits. Par ailleurs, RTE, qui est responsable du réseau électrique, évoque la possibilité d’éteindre les bornes de recharge publiques pendant les jours les plus tendus. Ce serait volontaire de la part des gestionnaires et une option serait prévue pour forcer la charge en cas d’urgence.
Pourtant, ce serait un coup dur pour l’électromobilité si cela devait arriver. Les particuliers sont encouragés cet hiver à ne recharger leur voiture que la nuit, ce que la plupart des modèles sur le marché peuvent faire grâce à une recharge programmée.