François Gatineau, Mobileese : « Une meilleure efficacité énergétique »

C’est fait. En 2035 les voitures thermiques seront interdites à la vente. Cela a été décidé par le Parlement européen. Condamnant les mêmes modèles hybrides. La voiture électrique serait donc le modèle de toutes les vertus écologiques pour sauver notre planète. Une chose est sûre, nous devons compter sur elle pour notre mobilité de demain. Mais est-ce vraiment rationnel, voire réaliste ? Pour en savoir plus, nous avons rencontré un expert, François Gatineau, fondateur du bureau d’études Mobileese,

Car les questions ne manquent pas. Du nombre de bornes de recharge à la production d’électricité, en passant par le traitement des batteries et la ressource forcément rare et finie des métaux contenus dans ces mêmes batteries, le modèle tout électrique semble poser autant de problèmes qu’il n’en résout. Nous avons posé la question :

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous présenter votre société Mobileese ?

François Gatineau : Mobileese (prononcez Mobiliser, ndlr) a été créée en 2016. C’est une firme de conseil et de projet technique certifiée, spécialisée en mobilité électrique et donc experte sur toutes les problématiques de service autour de cette problématique.

Avez-vous toujours travaillé dans ce domaine ?

F. G. : Auparavant, j’ai travaillé sur les plateformes informatiques et télécoms, les objets connectés. Les bornes sont des objets liés. J’étais à la tête de la Business Unit.

En matière de mobilité électrique, le premier frein à son développement serait-il la faible autonomie des batteries ?

F.G. : La course à l’autonomie n’est pas forcément une course très vertueuse. Si nous voulons passer à une mobilité décarbonée, nous devons aussi nous efforcer d’être sobres. C’est-à-dire pouvoir se dire : je prends le temps.

La mobilité électrique n’est donc pas synonyme de gain de temps.

F.G. : Oui, il va falloir adapter son hygiène de vie, pour être plus zen. C’est l’occasion de repenser le temps. Il ne faut pas oublier que nous vivons sur une planète aux ressources finies et aujourd’hui nous attaquons les limites de beaucoup d’entre elles. Il va falloir être un peu plus prudent. Il est important de rester mobile, mais faisons-le différemment. Je suis en voiture électrique depuis 4 ans. Pour faire Paris – Vannes, je m’arrête désormais une bonne demi-heure au lieu de la traditionnelle pause café de 15 minutes. C’est gérable

La mobilité vertueuse implique-t-elle un tel modèle 100% électrique ?

F.G. : Pour le moment, il n’y a pas d’autres solutions. Si on fabrique localement, si on produit de l’électricité décarbonée, la mobilité électrique est vertueuse et on se bat pour la réduction des gaz à effet de serre. Il diffuse toujours, mais beaucoup moins.

Essayons de challenger le tout électrique : si le parc automobile devient 100% électrique, le nombre de bornes de recharge va vite saturer !

F.G : La manière dont vous alimentez votre véhicule en énergie évolue radicalement. Ce n’est plus le véhicule qui va à la pompe, mais l’énergie qui arrive au véhicule. C’est comme votre smartphone : il s’insère là où il y a une entrée. Pour la voiture, ça s’arrête là : à la maison, sur la route, à chaque décharge, par exemple. Mais aussi sur le parking… Au final, 90% de la recharge se fera lorsque le véhicule sera garé. Les fameuses recharges nécessaires aux longs trajets ne représenteront que 10% de la demande. C’est un besoin mesuré qui représentera 100 000 recharges en France qui seraient ouvertes au public d’ici 2023.

Combien de charges publiques la France compte-t-elle aujourd’hui ?

F.G. : Les derniers chiffres se situent entre 60 000 et 70 000. L’objectif de 100 000 a été fixé par le gouvernement en début d’année et devrait être atteint d’ici fin 2022. D’ici 2023, nous aurons un million de véhicules électriques dans le parc extérieur. de 36 millions de voitures sur la route. Aujourd’hui, ce sont surtout des sociétés ou des véhicules de société, mais cela se démocratise.

Combien de bornes pensez-vous nécessaires pour approvisionner les 36 millions de voitures qui circulent en France ?

F.G : Tous les logements doivent être équipés. On estime qu’il existe 30 millions de bornes de recharge de ce type. Et 10% de ce total est lié aux recharges de voyage. Environ 3,5 millions de terminaux. Dans les projections, on est sur 17 millions de véhicules électriques en 2035. L’Europe a récemment voté l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035, ce qui vaut aussi pour les hybrides. Aujourd’hui, en France, nous vendons un million de véhicules neufs par an. Il faudra du temps pour atteindre 100% de la centrale électrique.

Et au niveau de l’approvisionnement énergétique, 36 millions de voitures vont devoir repenser notre politique électrique !

F.G. : Ce nouveau besoin ne représentera que 15 % de la consommation d’électricité en France. C’est pourquoi nous réfléchissons à réinvestir dans le nucléaire, du fait de l’arrêt du charbon et du fioul. Et complétez cela par des énergies renouvelables, qui restent néanmoins intermittentes. Ils sont souvent sur le marché lorsqu’ils ne sont pas nécessaires. Mais nous pouvons être intelligents : les véhicules électriques sont des batteries sur roues qui peuvent être stockées et récupérées. On peut imaginer – et on commence à le tester – que les voitures renvoient de l’énergie au réseau (ce qu’on appelle V2G, Vehicle-to-Grid), à la maison ou à l’entreprise. Et cela lorsque l’énergie est trop chère ou trop rare. On peut imaginer que 10% des piles pourraient être données de cette manière. Vous chargez votre batterie lorsqu’il y a du vent ou du soleil en journée et vous la rechargez le soir lorsque la consommation et donc les prix culminent.

La solution du tout électrique n’implique donc pas une croissance exponentielle du parc nucléaire ?

F.G : Non. L’objectif est de décrypter cet a priori et de penser à un réseau intelligent, dont les véhicules électriques font partie. Ce sont des points de stockage intermédiaires qui peuvent être placés à différents endroits du réseau, car il y aura des sockets partout.

Autre point sensible : le traitement des déchets. A la différence du nucléaire, pourra-t-on faire face aux batteries en fin de vie ?